Quelques extraits portant sur la danse tirés du roman de George Sand
« LE MEUNIER
D’ANGIBAULT » - 1845
La danse était plus obstinée que jamais à la ferme. Les domestiques
s’étaient mis de la partie et une poussière épaisse s’élevait sous leurs pieds,
circonstance qui n’a jamais empêché le paysan berrichon de danser avec ivresse,
non plus que les pierres, le soleil, la
pluie ou la fatigue des moissons et des fauchailles. Aucun peuple ne danse
avec plus de gravité et de passion en même temps. A les voir avancer et
reculer à la bourrée, si mollement et si régulièrement que leurs quadrilles serrés ressemblent au
balancier d’une horloge, on ne devinerait guère le plaisir que leur procure cet
exercice monotone, et on soupçonnerait encore moins la difficulté de saisir ce
rythme élémentaire que chaque pas et chaque attitude du corps doivent marquer
avec une précision rigoureuse, tandis qu’une grande sobriété de mouvements et
une langueur apparente doivent, pour atteindre à la perfection, en dissimuler
entièrement le travail. Mais quand on a passé quelque temps à les examiner, on
s’étonne de leur infatigable ténacité, on apprécie l’espèce de grâce molle et
naïve qui les préserve de la lassitude, et pour peu qu’on observe les mêmes
personnages dansant dis ou douze heures de suite sans courbature, on peut
croire qu’ils ont été piqués de la tarentule, ou constater qu’ils aiment la
danse avec fureur. De temps en temps la joie intérieure des jeunes gens se
traduit par un cri particulier qu’ils exhalent sans que leur physionomie perde
son imperturbable sérieux et par moments
en frappant du pied avec force, ils bondissent comme des taureaux pour retomber
avec une souplesse nonchalante et reprendre leur balancement flegmatique. Le
caractère berrichon est tout entier dans cette danse. Quant aux
femmes, elles doivent invariablement glisser terre à
terre en rasant le sol, ce qui exige plus de légèreté qu’on ne pense et
leurs grâces sont d’une chasteté rigide.
La foule des jolies
filles se pressait autour des ménétriers placés deux à deux sur leurs tréteaux
à peu de distance les uns des autres, faisant assaut de bras et de poumons, se
livrant à la concurrence la plus jalouse, jouant chacun dans son ton et selon
son prix sans aucun souci de l’épouvantable cacophonie produite par cette
réunion d’instruments braillards qui s’évertuaient tous à la fois à qui
contrarierait l’air et la mesure de son voisin. Au milieu de ce chaos musical
chaque quadrille restait
inflexible à son poste, ne confondant jamais la musique qu’il avait payée avec
celle qui hurlait à deux pas de lui, et ne frappant jamais du pied à faux pour
marquer le rythme, tour de force de l’oreille et de l’habitude
Le cercle compact
qui se formait autour des premières bourrées s’épaissit encore lorsque la
charmante Rose ouvrit la danse avec le grand farinier. C’était le plus beau
couple de la fête et celui dont le pas ferme et léger électrisait tous les
autres.
Le curé assiste à
la fête : le curé va souper gaiement avec quelque confrère venu pour regarder
danser, tout en soupirant peut être de ne pouvoir prendre part à ce coupable
plaisir.
Il l’emporta presque au milieu de la danse. Le Grand Louis et Rose rasèrent
légèrement le gazon, en se tenant la main un peu plus serrée que la bourrée ne
l’exigeait absolument.
C’est à l’entrée de
la nuit que les habitants du hameau s’amusent le mieux un jour de fête… les
indigènes restent seuls en possession du terrain avec celui des ménétriers qui
n’a pas fait une bonne journée. Toute la population du village se met en danse,
même les vieilles parentes et amies.
George Sand 1804 – 1876
Elle passe son enfance parmi les villageois et campagnards de Nohant en
Berry.
Son témoignage est
précieux. Tout au long de sa vie, elle note, observe, décrit le milieu paysan.
Elle dansait elle même la bourrée, fréquentait les veillées et fêtes.
George Sand a été
bercée par la musique tant populaire que classique. Cet art a influencé sa vie.
Liszt, Chopin auraient noté des airs de bourrées lors de fêtes.
C’est une pionnière de l’ethnographie.
Précisions sur la Bourrée dite « Bourrée à Aurore Sand » (2 temps)
Cette mélodie a été
recueillie par Jean-‐Michel Guilcher (enquêtes en Berry 1942) auprès d’Aurore Sand (1866 – 1961),
petite fille de George Sand, qui la tenait de sa nourrice.
La chorégraphie de la partie B est de Yvon Guilcher
d’après une figure de contredanse anglaise.
« Les formes anciennes de la danse en Berry », Arts et Traditions Populaires, janvier-mars
1965
NB -
Aurore Sand a présidé le groupe «
Le Berry » fondé en 1936 par Pierre Panis.
"C'est génial cet article et toute cette culture sur Georges et Aurore Sand et la bourrée ! Merci
RépondreSupprimerJ'envoie tout cela à Loïc, mon fils, qui s'est intéressé dans le cadre de ses études au travail d'écriture et de collectage de George Sand.
Il m'a dit il y a environ 2 mois qu'il voulait venir à un atelier de danse de bourrées pour nous voir danser et je lui avais dis que celui le mieux serait le dernier de la saison avec Amélie le 24 juin, en plus il aura terminé son année, à moins d'un contretemps ou une opportunité de partir de dernière minute, il devrait venir. Je demanderai à Amélie si nous pouvons danser la chorégraphie de la bourrée d'Aurore Sand."
Sylvie